En France, le système de vote pour choisir le maire des grandes villes (Paris, Lyon et Marseille) est particulièrement mal fait. Focus sur le cas de Marseille.
Il y a 863.310 habitants à Marseille, et 505.068 inscrits sur les listes électorales. Marseille est découpée en 8 secteurs et 16 arrondissements (I: 1er/7e, II: 2e/3e, III: 4e/5e, IV: 6e/8e, V: 9e/10e, VI: 11e/12e, VII: 13e/14e et VIII: 15e/16e)…en fait il y a une élection par chaque secteur, soit 8 élections distinctes ! Pour chaque secteur, une liste se présente pour décrocher entre 8 et 16 conseillers municipaux. Première anomalie, la répartition n’est pas égale : dans le secteur I (1er/7e), un conseiller représente environ 4000 habitants, alors que dans le secteur VI (11e/12e) c’est environ 6000 habitants ! Si l’on prend les chiffres des municipales 2014, la proportion de votes exprimés / conseiller municipal au 2e tour était de 1891/1 dans le secteur II (2e/3e) et 3387/1 dans le secteur VI (11e/12e), presque le double !
Mais la plus grosse anomalie est la suivante : dans chaque secteur, la liste qui obtient la majorité (absolue au premier tour ou relative au second tour) remporte un bonus de la moitié des sièges. Par exemple, avec 51% des voix dans un secteur de 12 conseillers municipaux, vous en remportez 9 (soit 75% des sièges) ! L’idée de ce système de bonus – qui date de 1982 par un certain… Gaston Deffere – est d’éviter un blocage si quelques conseillers changent d’avis MAIS cela n’a aucun sens dans une élection découpée en 8 secteurs et où très peu de pouvoirs sont accordés aux maires de secteur. Conséquence ? Il suffit de remporter quelques secteurs pour avoir assez conseillers municipaux et choisir son maire alors que l’on n’est loin d’être majoritaire à l’échelle de la ville !
Enfin, comme l’explique bien Marsactu, l’élection finale du maire de Marseille se joue au 3e tour avec les 101 conseillers municipaux élus. Cela peut notamment se jouer avec la majorité relative.
Prenons quelques exemples théoriques en se basant sur les chiffres des municipales 2014 : un parti pourrait présenter des listes que dans 5 secteurs, obtenir 51% des voix exprimées au second tour, et envoyer 43 conseillers municipaux ce qui serait sûrement suffisant pour choisir son maire. Si ces secteurs sont les I, II, III, VII et VIII, cela représenterait uniquement 71.351 votes sur un ensemble 271.347 soit 26% ! Et vu le nombre de listes différentes en 2020, on pourrait même imaginer que sans le secteur VII, cela donnerait 31 conseillers municipaux ce qui pourraît être suffisant en imaginant 3 autres listes concurrentes remportant 20 conseillers chacune. Dans ce cas, le maire serait élu avec seulement… 18% des votes exprimés au second tour ! Soit 9% des inscrits, et à peine 6% des habitants marseillais !!
On comprend mieux pourquoi certains partis se contentent de parler à leur base électorale sans avoir vraiment besoin d’élargir, comme le Front National qui est en roue libre sur les allusions et propos racistes, et LR qui défile sur les terrains de boules et dans les églises mais ne prend même pas la peine de répondre à Marsactu. On comprend aussi pourquoi il y a des secteurs-clé, et même certains bureaux de vote particulièrement importants ce qui engendre de la fraude en tout genre.
Pour conclure, il est toujours étonnant que l’on parle autant des élections mais sans réellement mentionner que le système de vote est mal fait. Pourtant des meilleurs systèmes de vote existent, comme le scrutin de Condorcet (utilisé notamment par le projet Debian), le jugement majoritaire (explications dans ces vidéos) ou encore le concept de démocratie liquide. En attendant, reste à se rabattre sur le vote stratégique…